L E O F A N Z I N E O Q U I O M E T O L A O C U L T U R E O E N O S A C H E T S

25.5.13

L'interview nicotine

A cause de l'interdiction de fumer dans les lieux publics, les accros au tabac se retrouvent à faire des choses extrêmement stupides, comme sortir dehors s'en griller une sous moins neuf degrés ou lors d'un déluge. C'est ainsi que j'ai dû interviewer Mac Demarco, fumeur notoire, dans le jardin du Botanique à Bruxelles, avec des rafales tellement fortes que mon Coca s'est envolé et mon dictaphone a davantage enregistré le bruit du vent que la voix du Canadien chouchou dont tout le monde s'est entiché depuis la sortie de son deuxième album. C'est trop dommage, parce que je n'ai pas pu tout retranscrire par écrit, à cause des "brr crr vrr" du fichier son. Voici donc ce qu'on a pu sauver d'une rencontre avec Mac Demarco début mai, avant qu'il ne fasse un concert complètement délirant où il aura abimé joyeusement ses chansons et fait un break d'une dizaine de minute. 

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INTERVIEW MAC DEMARCO

TEA : Salut, ça va ? 
Mac Demarco : Ouais, ça va. La tournée est ok. Ça fait un moment qu’on est sur la route maintenant. Je n’avais jamais fait une tournée à proprement parler avant ça, et là je voyage depuis septembre. C’était drôle, les premiers mois. Maintenant ça m’emmerde un peu. Mon corps me dit "Alleeez mec, arrêêêête". Mais je ne peux pas. 

Tu as l’air de très bien t’entendre avec les membres de ton groupe. 
Oui, on s’entend bien, on se connaît depuis longtemps. On jouait dans des groupes ensemble il y a cinq ou six ans de ça. Donc quand j’ai été signé chez Captured Tracks et ait dû faire des concerts, je leur ai demandé de me rejoindre et ils ont dit "bien sûr". 
Tu ne t’imaginais pas jouer seul tes chansons sur scène ?
Ça aurait été ennuyeux. C’est plus fun de le faire à la rock’n’roll que d’être tout seul.

Depuis que tu as sorti ton album, tout le monde t’aime, comment vis-tu ta nouvelle popularité ? 
Aha. Je pense que j’essaie d’apprécier ça le plus possible. Certains concerts sont un peu fous, quand il y a une trentaine de gamins qui te prennent en photo avec leurs téléphones. Mais bon. Non, c’est super. Des fois c’est un peu bizarre quand on marche dans une ville la journée et qu’un mec me dit "Yo mec, what’s up ?", mais ce sont juste des mecs normaux. 
Et ça ne te fait pas un peu peur des fois ? 
Si, c’est assez terrifiant.
Je me disais que le fait que tu blagues tout le temps et fasses le pitre était peut être une façon de te protéger ? 
Oui. Ça devient bizarre. Je suis dans cette position où avant je m’amusais juste et les gens captaient et se marraient. Mais maintenant les gamins le prennent très sérieusement. Ils vont au concert et espèrent que je crie des phrases drôles et percutantes, que je fasse des trucs comme dans mes vidéos. L’autre jour, c’était assez fucked up d’ailleurs. Il y avait un Australien qui a eu une crise de panique au concert, il a commencé à s’arracher les cheveux en criant "Tout va bien se passer, parce que Mac Demarco va encore jouer une autre chanson !". Et puis l’ambulance est arrivée, ils l’ont attaché sur un brancard. C’était la première fois que je me disais que, vraiment, y avait un truc qui n’allait pas. Donc si des choses comme ça continuent d’arriver, je vais commencer à flipper. 



 
Tu ne te prends vraiment jamais au sérieux ? 
Je sais que je passe pas mal de temps à déconner. Mais quand j’écris des chansons, oui, je suis vraiment sérieux. 
Parce que je pense que le risque, à force, c’est que les gens pensent juste que tu es simplement un imbécile talentueux et chanceux, et pas quelqu’un de si engagé dans la musique ; tu n’as pas peur que l’on te réduise à ça ? 
Je ne sais pas. Je ne pense pas que je dois m’en inquiéter. Je m’amuse juste. Mon but est de faire un spectacle cool, et mettre le public à l’aise. Et je veux que, quand je suis sur scène à faire le con, les gens se disent "Oh, ce n’est pas une rock star du tout, c’est juste un type normal qui s’amuse. J’aimerais bien traîner avec ces gens." Ouais, je veux mettre tout le monde à l’aise. Mais peut être que ça ne marche pas (rires)
Et ta vie est un amusement perpétuel aussi ?
Mmh… Ça dépend. Bien sûr c’est super, on est payé pour faire de la musique, rencontrer des gens, on voyage gratos, on a à boire… J’adore boire de la bière, mais il arrive des fois qu’après un concert on pense juste "Oooooh, je ne peux plus respireeeer ! Je vais mourir !" Mais c’est ma faute. Je pourrais faire ma tournée en mangeant des assiettes de légumes, mais à la place, c’est fast food, bières pas chères, et rester debout toute la nuit. Ça m’emmerde un peu, j’ai peur d’être alcoolique, je sais pas. C’est dur de se plaindre de faire trop de concerts, parce que je sais que je suis vraiment privilégié. Mais des fois, je pense à la maison et j’ai envie de rentrer, j’y pense pas mal à ce point de la tournée. Ce qui me bouffe vraiment en fait c’est que je ne peux rien écrire. On passe la journée à rouler jusqu’au concert, je peux rien faire. Je n’avais pas vraiment anticipé ça. 

J’ai vu ta vidéo "Test Press", c’est une caricature de toutes les questions chiantes que les journalistes peuvent te poser, n’est ce pas ? Quelle est la question à laquelle tu aimerais vraiment répondre mais qu’on ne t’a jamais posée ?
Oui c’est ça. Mmh… Les gens me demandent toujours "Tes concerts ont l’air complètement fous, est ce que tu vas te foutre à poil et te fourrer une baguette dans le cul cette nuit ?" Y a plein de gens qui me demandent ça ! Tout ça parce qu’il y a une vidéo en ligne de moi chantant une chanson de karaoké à poil et je me fous une baguette de batterie dans le cul. Du coup les gens pensent que je fais ça à chaque concert, mais c’est arrivé une seule fois. J’essaie juste de bien jouer mes chansons et de faire un bon spectacle. Le truc c’est que si les gens en demandent toujours plus, ça ne va jamais s’arrêter. Ce truc, ce n’était pas du tout prémédité. Je suis pas trop dans ce genre de truc.  

 
Comment tu fais pour modifier autant ta voix comme dans "Rock’n’roll Night Club" ? Tu peux le faire, là ? 
Je peux aller bas (il parle de façon très grave) "comme ça ouais bébé". Mais pour être honnête, j’ai usé d’une combine pour cette voix. Je l’ai enregistrée sur une cassette, et j’ai tout ralenti. Donc je chantais d’une voix grave genre eOuais bébé tu saise, mais c’était encore plus lent, donc je ne peux pas faire ça en live. Ce n’est pas si sexy. 

C’est comment la vie à Montréal ? 
C’est ok. Je n’y suis plus vraiment mais bon. C’est cool, parce que les jeunes Canadiens ne peuvent pas partir vivre aux Etats-Unis, à moins que tu travailles, blah blah blah. Donc Montréal est un des rares endroits où les jeunes Canadiens peuvent aller. C’est une grande ville où tu peux vivre dans des appartements vraiment pas chers, c’est vraiment moins cher que le reste du Canada. C’est cool parce qu’il y a plein de jeunes là-bas. Je ne connais pas tant que ça la ville, je ne parle pas très bien français, mais, je ne sais pas. A partir du moment où je m’y suis installé, je me suis mis à traîner avec tous mes amis des autres villes, donc je trainais dans les mêmes endroits tout le temps. J’ai une connaissance très partielle de la ville, mais ça me va très bien. 

Quel est le pire concert que tu aies joué ?
Oh putain. J’ai fait un concert à Kansas City il y a quelques mois. Et c’était assez mauvais. On avait fait South by Southwest juste avant, où l’on avait joué quatorze fois en quatre jours. Donc j’étais encore dans la folie du SXSW et au beau milieu du set, je me suis dit "J’en ai rien à foutre de cette merde", j’ai jeté le micro et me suis barré alors que le groupe était encore en train de jouer. J’ai pris une cigarette. Les gamins filmaient avec leurs iPhones et j’étais genre "Cassez vous, laissez ma tête tranquille". Je suis revenu et j’ai dit "Allez vous faire foutre !". J’étais vraiment vraiment dans le mal. Et puis je suis rentré mourir à l’hôtel. Pour moi, c’était vraiment mauvais. Peut être que le public a aimé, mais quand je vis un moment aussi horrible, je deviens un connard avec le public, et me sens trop mal après. 

C’est quoi ton problème avec la cigarette ? 
Mon problème ? Je suis accro à la cigarette. 
Oui, ok, y a beaucoup de gens qui sont accros, mais ce n’est pas pour ça qu’ils écrivent des chansons dessus, tweetent sur les cigarettes, ou même se prennent en photo avec une clope dans le cul… 
Ouais ouais ouais. J’aime vraiment fumer, déjà. Et puis j’ai créé un Twitter et je me demandais ce que je pouvais y faire. Parce que je ne voulais pas écrire des choses du genre "Hanlala dure journée aujourd’hui". Donc j’ai fait un Twitter et j’étais en train de fumer ces cigarettes appelées Viceroy, et ce sont les pires cigarettes du Canada...
Oh mince, je pensais au contraire qu’elles étaient trop bonnes et que c’était pour ça que tu avais fait une chanson en leur honneur. 
(rires) Elles sont horribles ! Donc c’était une blague. Et les gens se disaient "Oh Mac Demarco est en train de tweeter sur les cigarettes, et sur les Viceroys en plus ! C’est dégueu". Mais c’est drôle parce que maintenant les gamins pensent qu’elles sont hyper cool et ils les fument. 
Alors tu ne fumes pas de Viceroy ?
Oh si, je fume des Viceroy, j’adore.
Je suppose qu’il n’y en a pas trop dans les autres pays, ce n’est pas difficile en tournée ? 
Si, mais ils en ont en Serbie et en Croatie où j’ai joué, donc ça va.
 

Si tu pouvais tirer une taffe sur la cigarette de quelqu’un, ce serait qui ? 
Oh… Vivant ou mort ? Je tirerais une taffe sur la clope de John Lennon. Ce serait mignon. Ce serait comme si je l’embrassais. Et c’est mignon. 

Et si tu étais une femme fumeuse célèbre ? 
Marilyn Monroe. C’est ma préférée. C’est cliché ? Mais je l’aime donc bon. Bon, dans ce cas, probablement Debbie Harry. Ou… Non mais Marilyn est tellement sexy ! Je sais que c’est cliché mais c’est parce qu’elle est tellement belle. Bon, ou Kim Gordon. 

Quand est-ce que tu as commencé à fumer ? 
Quand j’avais 17 ou 18 ans, 18 ans je pense. Je ne m’en rappelle pas vraiment. C’est le genre de trucs qui arrive comme ça dans ta vie et que tu ne peux plus enlever. 
Combien de cigarettes par jour ? 
Mmh, ça dépend vraiment. Quand je suis d’humeur joviale, ça peut être deux paquets. Mais en temps normal, à la maison, la routine, c’est plutôt un paquet par jour. 
C’est pas tant que ça, un par jour… Je m'attendais à plus de ta part.
C’est pas tant que ça ? Au Canada et aux Etats-Unis c’est vraiment beaucoup ! Mais j’ai l’impression qu’en Europe les gens fument plus, on en voit partout. Ils fument tout le temps, j’adore ça. 

Pour finir, tu aurais pas une blague en réserve ? 
Laisse moi voir… J’ai une blague. Elle a été écrite par mon bassiste, Pierce. C’est ma blague préférée. "What did the donkey say to his dick? 
-Oh well, look at that big donkey dick!