L E O F A N Z I N E O Q U I O M E T O L A O C U L T U R E O E N O S A C H E T S

14.9.12

Patti sous la pluie

La dernière fois qu'il a plu autant et que j'ai eu les doigts de pieds aussi mouillés, c'était en festival cet été. Et pas uniquement aux Eurocks, sinon ça ne serait pas rigolo, non, le For Noise de cette année a aussi été bien arrosé. Et même si les flaques et les pèlerines donnent un petit goût d'aventure à la chose, la flotte ne nous a pas amusées très longtemps. En effet, vieilles et aigries comme on est, nous ne supportons plus trop de ne pas trouver de place au sec pour bouffer tranquillement nos cakes poivrons-chèvre-thym et saumon-citron-aneth, d'autant plus qu'il y avait une sacrée disette niveau planque tranquillou sans concert bien fort qui empêche de demander l'heure à son voisin. Maaaais au fond on était là pour la musique alors on va quand même vous parler des points positifs du week-end Pully avec entre autres Patti "lova-lova" Smith, DIIV, Roy and the Devil's Motorcycle, The Awkwards, Feist, Cheyenne et Grandaddy.

(La mauvaise nouvelle pour vous c'est que Hervé l'appareil photo est celui qui a le plus souffert du week-end si bien qu'on est rendues à illustrer cet article sur Paint. C'est un peu dur sans palette, alors si jamais, on vous a mis des légendes explicatives.)

 Figure 1. L'affiche de l'événement agrémentée de personnages jaunes et d'un parapluie.

PULLY FOR NOISE 2012

La simple venue de la sus-nommée Patti était déjà une raison suffisante pour faire le déplacement jusqu'à Pully. D'ailleurs la soirée du samedi qu'elle headlinait a affiché complet plusieurs semaines avant le début des festivités. Peut-être même que la sortie poche de "Just Kids" juste avant les vacances a déchaîné de nouvelles passions, ha-ha (allez savoir). Ce qui est sûr c'est que la grande prêtresse + le retour des dadais Grandaddy + Feist pour les tendres et plein de jeunes noms attendus au tournant laissaient présager un festival riche, sans trop de fausses notes. Un For Noise comme les autres en somme. Mais avec plus de trucs qui se sont avérés pas terribles. Voilà c'est dit.


Commençons par les pires, genre Digitalism. On savait d'avance que ça n'allait pas nous plaire mais on s'est quand même retrouvées tout devant, coincées entre un mec qui sautait partout en assommant tout le monde avec son sac à dos et un type aux bras musclés souvent levés en l'air façon "pull uuuuuuuuuup" bolos. Au moins, c'était drôle. Mais le plus hilarant se trouvait quand même sur scène. Premièrement, qu'est-ce que c'est que ce coeur déstructuré en déco les gars? Et des pupitres noirs, sérieux? Tous plats en plus? Et sans câble nulle part???? Allo? Trêve de mauvaise foi et grand scoop: on a fini par apercevoir deux-trois boutons sur leurs lutrins. Nous voilà rassurées. Cela dit on a aussi bien ri au concert de dEUS, les rock-stars belges qui déchantent allègrement. Musicalement, ça n'a pas laissé de souvenir extraordinaire (pourtant j'aime bien les débuts du groupe. Pour de vrai.). En gros c'était bien rock mais kitsch à la vieille.

Figure 2. Les Digitalism, leurs pupitres et le public en furie

Dans le rang des moyens - ceux qu'on a aimé cinq minutes et puis plus trop - se rangent tout un tas de groupe "pop atmosphérique". En premier lieu, les Suisses The Legendary Lightness, bon mélodistes, un peu à la SIMON GARFUNKEL, étaient en effet sympa un moment mais je crois que je ne supporte vraiment plus les trucs languissants. Memoryhouse, en autre exemple, étaient très attendus après leur jolie cover des Zombies "This Will Be Our Year", portée par une voix fragile et un son de guitare un peu grinçant bien cool. En concert c'était bien plat, trop timide sûrement. En parallèle, la jeune Mina Tindle jouait dans un registre un peu plus pop gentillette rafraîchissante. Comme une limonade mais avec un arrière goût un peu amer sur certaines chansons. Comme un soufflé qui retombe (et remonte et retombe et bon zut on s'en va). A mort les chansons douces, entre nous c'est fini.

Heureusement plus âcre au niveau du songwriting on avait The Divine Comedy qui a pris le parti de jouer tout seul avec son piano, en vieux crooner bossu qu'il est. Mauvaise pioche pour tous ceux qui se trouvaient plus loin que le cinquième rang où la magie retombait. Vraiment, c'est pas idéal d'écouter des comptines debout en festival. On avait déjà un peu ce problème avec Dead Western au Bad Bonn Kilbi qui était sauvé par ses mimiques et son énergie folle. Mais quand même, sur un siège moelleux au coin du feu ça serait tellement mieux.

Avant qu'on nous demande ce qu'on foutait encore à Pully à force de râler, on va parler de Of Montreal desquels on n'attendait rien, à part qu'ils jouent bien "Gronlandic Edit". Raté. Mais il faut dire que même si ça manque de groove et de fibre, ils sont bons showmen, et surtout: ils ont un style incroyable. Vise un peu le collier méduse du guitariste. Je veux trop trop le même, avec ces petites tentacules en perle et tout. Je pourrais alors danser pour de vrai sur leur titre ultime.

Figure 3. De gauche à droite: 
La capuche de lutin du claviériste associée à un ensemble de tennisman débardeur-short.
La chemise à froufrou et pantalon très serré du chanteur (on a tout vu, c'était gros),
Djellabah et collier méduse.

Parlons aussi des Junior Boys qu'on avait bien envie de voir et qui nous ont fait une intro un tantinet krautrock bien plaisante. Chouette, de l'électro comme on aime. Mais les cinq minutes réglementaires du "ah c'est pas mal!" passées, c'était déjà trop cheezy. Adieu.

Passons e n f i n aux points positifs évoqués dans l'intro puisque le For Noise n'a évidement pas négligé quelques bons artistes non plus. En premier lieu, la tête d'affiche du jeudi - Feist - qui a bien défendu son dernier album Metals. C'était franchement bien. Les musiciens géraient, les choristes soutenaient bien la voix de l'américaine et puis les nouvelles chansons toutes simples comme "The Bad Each Other" passent quand même mieux que les chansons toutes simples mais niaises du début de sa carrière. Note de la fashion police: elle portait une super robe qu'on lui aurait bien volée pour le mariage de ce week-end.

Au rayon des nouveautés (comprendre : "concerts dans les petites salles") il y a DIIV qu'on attendait de pied ferme et qui nous a bien plu. Leur premier album Oshin est quand même vachement cool. En live, ça n'a pas raté en tout cas, c'était vraiment bien et très énergique. Ils avaient l'air d'avoir quinze ans avec leurs jambes fines comme des baguettes qui manquaient de se briser quand ils sautaient partout. Et ça sonnait comme un jeune groupe qui aime bien balancer des grosses nuées de guitare en secouant cheveux et sueur. Le truc le plus plaisant c'est que c'était vachement plus rock'n'roll que leurs enregistrements.

En vrai rock et blues il y a eu Cheyenne, un duo/trio de jeunes gens de la région. La reum de la chanteuse était dans le public pile devant nous. En mode trop d'admiration pour la voix mélodieuse de la meuf, c'était mignon. Dans l'ensemble, ça sonnait comme de jeunes Kills, c'était chouette. On attendait aussi à une bonne râclée de la part des géniaux Roy & The Devil's Motorcycle. Mais non, cette fois, ils ont remplacé leur batteur par un saxophoniste qui improvisait allégrement en donnant une touche free jazz. C'était super aussi, planant comme ça. Reste que le groupe est plutôt connu pour des trucs plus énergiques - comme tous les trucs géniaux qui sortent de chez Voodoo Rythm Records.


Niveau piqure d'adrénaline le concert des Awkwards était plutôt pas mal. Il s'agissait d'ailleurs de leur dernier concert avant un bon moment. C'est triste à entendre mais ça a fait qu'on a eu droit à des blagues et des invités surprises ("c'est Jean-Luc Delarue?") et on a dansé comme si c'étaient les Raptures sauf que le concert était mieux que celui que les Raptures nous avaient fait il y a une année. Et puis les Awkwards savent aussi avoir leur touche personnelle et leur morceaux plus à la Suicide avec synthétiseur planant.

Enfin, il n'y a pas que Patti Smith qui a fait exploser le compteur pour le samedi soir, au contraire, il y avait aussi Grandaddy, les fraichement reformés. Et même que c'était réussi comme retour. D'autant plus qu'il y avait des projections sur le fond qui donnaient une chouette dimension à l'ensemble. Mais venons en à Patti justement. Grande prêtresse rescapée du New York des 70's et porte-étendard d'un "aimons nous tous croyons en la liberté l'avenir nous appartient" rappelé à tout bout de champ tout au long de sa prestation. Elle faisait plaisir à voir, elle souriait et riait tout le temps. On s'attendait à une vieille sorcière reloue mais trop pas, elle était comme une enfant qui s'enthousiasmait du cadre, de l'ambiance et (à tort) des musiciens un peu trop carrés plan-plan qui jouaient avec elle. On a tout de même été happées. L'appel de Patti Smith c'est quand même pas rien. Elle nous a fait croire que le futur est radieux et on aimerait y croire toujours. Elle a plaidé en faveur des Pussy Riot en disant que personne n'a le droit de nous dicter ce qu'on met dans nos prières, elle qui a justement commencé à écrire en s'adressant à Dieu. On a crié "G L O R IIIIIIIIIIII A" mille fois (d'ailleurs je crois qu'on a eu droit à quasi la totalité du mythique Horses de 1975). Et puis elle a fait sa chanson prétendument universelle à un accord ("Banga" - elle est vraiment pas terrible) et une autre du dernier album qui rend hommage à Amy Whinehouse. Il y a eu un interlude du groupe qui était un peu chiant. Mais bon, voilà, Patti c'était super bien.

En somme, si la pluie a un peu gâché le côté relax qu'on avait les autres années quand on pouvait s'asseoir sur la colline pleine d'herbe qui fait face à la grande scène, le For Noise n'est pas devenu insupportable pour autant. Quelques bonnes pioches dans une programmation un peu plus faiblarde que les années précédentes (à l'exception d'une certaine tête d'affiche) ont donné sa raison d'être au rendez-vous. L'an prochain (s'ils invitent moins de folkeux) on vient avec le soleil en laisse.