L E O F A N Z I N E O Q U I O M E T O L A O C U L T U R E O E N O S A C H E T S

29.7.12

[GUEST 8] La caravane passe et le Belge boit

[Guest: Pierre-Louis]

Amateurs de groupes indépendants moldaves, de plasticiens guatémaltèques ou de sculpteurs nains thaïlandais, passez votre chemin. Une fois n’est pas coutume, voilà un article dans TEA qui sent fort la sueur, la bière et le saucisson, bref, le Tour de France.

Pour certains le Tour de France (et le cyclisme en général) n’évoque qu’un grand-père affalé devant sa télé, à moitié endormi, vaguement captivé par cinq types se tortillant sur une bicyclette dans l’espoir de ramener un maillot jaune, vert, avec des pois rouges (y a pas un violet clair aussi ?) pour faire plaisir à une bande d’hystériques brailleurs massés sur le bord de la route. Ce tableau, certes flatteur, ne dépeint pas ce qu’est réellement le Tour de France et l’immense ferveur qui s’empare de l’hexagone aux premiers jours du mois de juillet.

En tant que supporter inconditionnel de la petite reine, un été sans Tour de France ressemblerait à un été sans Eurockéennes pour la TEAm ! Imaginez un peu le traumatisme…3h du mat, à l’heure où d’autres aiment à piquer une petite tête dans la Garonne, me voilà donc sur la route à l’assaut des Pyrénées, théâtre de la 16ème et 17ème étape, décisive dans la lutte pour le classement général. Et c’est donc aux alentours de 8h que mes deux acolytes et moi, arrivons au col de Peyresourde.

 

L’atmosphère est saisissante. Tout au long de la montée se succèdent camping-cars, tentes, buvettes, drapeaux de tous horizons, sandales-chaussettes, ventres Kro et bien sûr moult coupes mulet, apanage du supporter basque-espagnol. Il faut donc se mettre dans l’ambiance au plus vite. 8h15 les premières capsules sautent, les premières tranches de saucisson sont englouties, la main se balade de plus en plus frénétiquement aux environs de l’entre-jambe et une phrase sur deux se finit ponctuée d’un "oh con !". 8h30 nous réalisons que la caravane ne passera pas avant 15h00, les coureurs avant 16h00. Pourtant autour de nous c’est l’agitation, va-et-vient incessant de cyclistes amateurs, supporters, gendarmes et véhicules de l’organisation.


Finalement nous prenons la direction de la course à 13h, 2h donc à attendre pour la caravane. Heureusement il fait 28°c et nous sommes en plein soleil avec une bière chacun ! Le couple hollandais en face de nous a été plus prévoyant, bouquinant confortablement installé dans leur siège pliable à l’ombre d’un parasol. Les gens défilent devant nous et niveau originalité, on est gâtés notamment par la colonie norvégienne ayant investi le virage en contrebas. Casque à cornes vissé sur la tête, casquettes et t-shirts aux couleurs du drapeau norvégien, filles en soutien-gorge rose : du grand art ! Traverser la moitié de l’Europe pour soutenir deux coureurs n’ayant aucune chance de bien figurer au classement ou de gagner une étape de montagne, une véritable prouesse ! On rencontrera également Steven (ou un truc du genre), jeune californien passant son mois de juillet le long des routes du Tour déguisé en bouteille afin de faire connaître sa société de fabrique de bidon "révolutionnaire". 

Enfin, le moment tant attendu arrive. Ce moment magique qui à lui seul justifie la nuit blanche, les 400km d’autoroutes et les longues heures d’attente. La foule s’agite, les motos et voitures déboulent à toute allure, klaxonnant et demandant aux spectateurs de bien rester sur le bord de la route, de tenir chiens et enfants en laisse. Soudain, le temps s’arrête. Les plus jeunes trépignent, une larme coule le long de la joue d’un octogénaire, un couple s’embrasse, les oiseaux stoppent un instant leur chant. Elle est là. Au bout de longue ligne droite. Elle ? Une cycliste ? La femme de Thomas Voeckler ? Non, bien entendu. Elle, c’est celle qui accompagne le Tour depuis presque un siècle, roulant par tous les temps pour le bonheur des petits et des grands : la CARAVANE du Tour. Une demi-heure de parade, trente deux sociétés, une centaine de véhicules, des filles et un homme en petite tenue, des chars plus beaux les uns que les autres, des animateurs tout droit sortis de la cage aux folles, des cadeaux par milliers, c’est ça la Caravane !


Alors que nous commençons à regagner la voiture, nous nous rappelons que le Tour de France est une course cycliste et que nous n’avons toujours pas vu un seul coureur. Une heure après la caravane, Thomas Voeckler, le visage grimaçant, sera le premier coureur à fendre la foule (on peut d’ailleurs nous apercevoir sur France2 pluzz), suivi de près par Sorensen, puis Feuillu. Pas le temps de s’enfiler une binouze que surgit le maillot jaune Bradley Wiggins qui comme tout britannique sous un soleil de plomb sue à grosses goûtes (je ne ferai pas de blague sur le fait que Bradley Wiggins est roux). Les coureurs se succèdent pendant près d’une demi-heure, les derniers coureurs passant dans l’indifférence générale.


Le lendemain sera sensiblement la même chose, avec néanmoins une plus grande réussite lors du passage de la caravane, notre collection s’enrichissant notamment d’un maillot de meilleur grimpeur, de divers porte-clefs et, pièce maîtresse de la collection, d’un sublime bob Cochonou (véritable symbole de l’élégance à la française). C’est donc les étoiles pleins les yeux et l’habitacle de la voiture délicatement parfumé de senteurs anisées que nous quittons la merveilleuse route du Tour en espérant une chose que résume si bien Dédé : "L’année prrrrrochaine vous me rrrrramènerrrrrrez des gonzesses !!".



***


Nous sommes dans la matinée du 15 mai 2007. C’est alors que survient l’événement qui va bouleverser la vie de Pierre-Louis Lacoste… Le Mouv’ a enfin une station à Bordeaux. Aux premières notes de Foals son état d’esprit change. Il rase son mulet, range ses requins au placard et décide de mettre un t-shirt avec des manches. Le 16 mai à 01h20 une idée lumineuse frappe soudain Pierre-Louis. Il va s’intéresser à la musique, fréquenter les caves bordelaises et rencontrer des gens complètement barrés. Si ça lui plaît, c’est décidé, il se laisse pousser la moustache.

Cinq ans plus tard, Pierre-Louis est étudiant à l’Université de Nantes, diplômé d’une licence de Génie Civil, arrachée aux forceps à l’Université de Bordeaux. Garçon plein d’audace, Pierre-Louis sait compter deux par deux et scratcher ses chaussures. Pierre-Louis Lacoste aime : parler avec un accent du Sud-Ouest devant un match de rugby, regarder la pluie par la fenêtre blottie dans sa couette, rester vautré toute la journée en calbute devant la télé. Pierre-Louis Lacoste n’aime pas : les Espagnols qui hurlent dans le bus alors qu’il est fatigué, se doucher tous les jours (et l’hygiène en général), il n’aime pas beaucoup trop de choses pour être un homme tolérant et ouvert d’esprit et un jour devenir président de la République.