L E O F A N Z I N E O Q U I O M E T O L A O C U L T U R E O E N O S A C H E T S

23.7.12

[GUEST 6] Connaître l'ennemi pour mieux le combattre

[Guest: Albertine]

Je viens du pays de l’argent par excellence et il m’a pris la soudaine envie d’étudier l’économie, ou plus exactement la «gestion d’entreprise». Voici une étude sociologique à ma sauce des étudiants qui peuplent ma classe.


Le premier jour, je suis arrivée pleine de rage face à ce monde de l’argent, l’envie de mieux le comprendre, d’idées pour le changer. J’étais encore bien émoustillée par le printemps arabe et le mouvement Occupy, avec tout ceci ajoutez une bonne dose d’écologie qui coule dans mes veines depuis ma tendre enfance. Mon expression préférée était "je vais faire péter une bombe!". Avec les mois, je me suis plus ou moins calmée et c’est plutôt devenu "connaître l’ennemi pour mieux le combattre".

Les premiers mois m’ont fait l’effet d’une douche froide, j’ai appris qu'il valait mieux fermer sa gueule que d’essayer de trouver des semblables. L’observation a été ma plus grande passion durant les longues heures de cours. A mon sens, il m'est dès lors tout à fait légitime de me moquer un peu d’eux/elles, car s’ils/elles deviennent de méchant(e)s PDG avides d’argent aux décisions destructrices, ils/elles n’auront eu que ce qu’ils/elles méritent!


Commençons par les dames, toutes délicieusement et parfaitement maquillées, lissées (au sens chevelu du terme, ainsi que du point de vue personnalité), sac à mains et tout le toutim parfait de la parfaite pouff(iasse). Dans cette jungle de beauté, il y a celles qui semblent être restées dans les années nonantes/deux mille. Vous savez, celles qui ont un passé rempli de posters de chevaux et de dauphins. Celles-ci arborent les mèches blondes/jaunes, les t-shirts-rideau à tissus qui plissent qu’on achète chez New Yorker, les bottines qu’on-dirait-un-croisement-entre-un-tapir-et-un-tatou et sont parées de bijoux qui sortent droit d’un catalogue Vac (référence suisse en matière de meubles/bijoux, "le bon goût ultime"). Mais le must-have pour les oreilles sont les perles de nacre. Oui, car le look "je-suis-riche-propre-et-parfaite" est très à la mode dans ce genre de branche universitaire, toujours accompagné du sac Longchamp, évidemment! Le léopard est également prisé et tout y passe; de la trousse aux chaussures en passant aux élastiques à cheveux et à l’agenda. Ma préférence, c’est quand le motif est vert ou bleu turquoise, so much love. Le meilleur pour la fin: les ongles, peinturlurés de toutes les couleurs avec les motifs les plus abstraits qui soient (je me suis toujours demandé pourquoi il y a Mondrian dans les musées et des motifs pareils sur les ongles-plastiques). Pour moi qui suis entre le dégoût et la fascination pour les ongles, c’est une "réjouissance" de tous les matins.


Passons au quidam masculin. Le manque d’accessoires pour homme fait un peu descendre le niveau, dommage. La plupart n’ont pas de style particulier ou juste un peu je-suis-un-BG-et-j’écoute-de-la-techno. Le type étudiant mâle en économie passe son temps à faire la noce (fête), boire de bières, jouer à Fifa, mater les rediffusions de match sur Mac et "s’informer" sur 20min.ch. Mais on remarque des exceptions comme ce mec qui pendant le dernier semestre a décidé de s’habiller classe: costard, chaussures vernies, cravate et mallette (Doux Jésus!). Quand il venait en classe, il arrivait pendant les deux dernières heures matinales, en plein cours, en passant devant les 200 élèves et le prof, s’asseyait et passait son temps restant sur 9Gag. Ou encore ces deux clichés de pub Abercrombie & Fitch qui sont très concentrés sur des forums de musculation ou à cliquer sur les photos de "meufs" blondes sur Facebook. Il y a aussi ceux qui se croient déjà PDG d’UBS avec chemise repassée par maman et mimiques apprises par papa, les matheux qui feront traders, les carriériste de l’armée qui viennent en uniforme avant d’aller courir dans la boue, les futur politiciens de la droite modérée chrétienne et les Tessinois qui sont tellement à l’aise qu’ils font presque bizarre dans le paysage.


Je les ai observés, mais j’ai pu aussi communiquer avec eux, j’en ai ri et pleuré. J’ai appris que l’étudiant en économie ne sait pas ce qu'est l’écologie ou à peine. J’en ai observé qui jetaient leur bouteilles en PET dans la poubelle, à 20 mètres de celle faite exprès pour. Si je parle d’Occupy,"c’est des hippies gauchistes" et quand Amnesty International vient faire signer une pétition pour dénoncer le viol de femmes en Amérique du Sud par des soldats, "de toute façon, on peut plus rien pour elles!". On m’a dit que j’étais "excentrique" parce que je porte des couleurs et que j’ai un vélo pliable. J’ai entendu qu’ils voulaient travailler dans la banque ou dans la comptabilité. Quand j’ai proposé de plancher sur un modèle de vie communautaire entre vieilles personnes et familles dans un cours de Business Plan, personne n’était partant.

Pour résumer les personnages et finaliser ces généralités, je pense qu’ils n’auront jamais les couilles de descendre dans la rue pour protester à l’image des Québecquois. Ils suivrons ce chemin si parfait qui s’étale devant leurs pieds et ne feront rien, Ô rien, pour bousculer les idées ancestrales de leurs supérieurs archi-capitalistes. Et pour les vacances, cet été, ils sont tous à Marrakech, Istanbul ou Ibiza!

Pour finir sur une note moins superficielle et tenter de rattraper mon ramassis de moqueries, j’aimerais dire qu’avant tout, je déplore un manque de bougeotte de leur part dans ce monde qui doit changer si on veut ne pas finir bouffé par les milliardaires, rongé par les cancers et esclaves des multinationales. Je regrette leur manque d'intérêt pour la culture, l’actualité et l’écologie alors qu’ils feront peut-être partie des futurs personnes influentes de notre société.

Je déplore trop de vernis sur leurs ongles et trop peu d’idées dans leurs têtes.


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Albertine. Observatrice passionnée. Révoltée et utopiste. Aime les gens critiques, enthousiastes, "qui osent". Aimerait changer le monde mais n’ose pas le dire trop fort. Et oui, suissesse, d’où les mots bizarres.